Histoires de Rome / Antiquité /Le syncrétisme romain

 
 
 Le syncrétisme romain
La splendeur du Panthéon manifeste la ferveur des meilleurs des païens, soucieux de n’oublier aucun des dieux et capables de symboliser leur prière par l’attente de la lumière.
 

Citations :Platon
Un regard chrétien sur les rites païens
Clément d’Alexandrie (IIe siècle)
Aspects mystiques de la Rome Païenne, Les “Cereres” et les Numides


 
Platon
La République, II, 365a

«Les dieux eux-mêmes se laissent fléchir; et par le sacrifice et la bonne prière, les libations, et des victimes la fumée, l’homme détourne leur colère quand il a enfreint leurs lois et péché. Et ils produisent une foule de livres de Musée et d’Orphée, descendants, disent-ils, de Séléné et des Muses. Ils règlent leurs sacrifices d’après ces livres, et persuadent non seulement aux particuliers, mais encore aux cités qu’on peut être absous et purifié de ses crimes, de son vivant ou après sa mort, par des sacrifices et des fêtes qu’ils appellent mystères. Ces pratiques nous délivrent des maux de l’autre monde, mais si nous les négligeons de terribles supplices nous attendent.»
 
Sacrifice offert à Déméter

Musée du Louvre

[ Paris, France ]
 


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Un regard chrétien sur les rites païens
Clément d’Alexandrie (IIe siècle) Les Stromates V, 1, 6, 2-3; I, 19, 91, 1-5

Préoccupé de ne pas mépriser l’effort religieux de la population qui n’était pas chrétienne, saint Clément d’Alexandrie, au IIe siècle, a développé les signes de leur attente de la vérité:
“Car la providence divine est rendue évidente par le spectacle de tous les êtres visibles, œuvres pleines d’art et de sagesse, et de ce qui tantôt se produit avec ordre et tantôt, avec ordre, se manifeste. Et celui qui nous a fait part de l’être et de la vie, nous a fait part aussi de la raison, voulant que notre vie fût à la fois raisonnable et bonne; car la raison du Père de l’univers n’est pas cette raison que la parole exprime au dehors, mais elle est la sagesse et la bonté parfaitement claires de Dieu, et aussi sa puissance souveraine et réellement divine; elle n’est pas inconcevable même pour ceux qui ne la confessent pas; elle est la volonté toute-puissante.”
«Il est donc témoigné dans l’Ecriture que les grecs aussi avaient quelques théories justes. On peut encore le voir par ce qui suit. Les Actes des apôtres enregistrent que Paul a dit à ses auditeurs sur l’Aréopage: “Je vois en vous des gens passablement religieux. Je circulais, je m’enquérais des objets de votre vénération quand j’ai découvert un autel portant l’inscription: “Au Dieu inconnu”. Eh bien, ce que vous révérez sans le connaître, je viens vous l’annoncer. Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qu’il renferme, ce Dieu qui est Seigneur du ciel et de la terre, il n’habite pas dans des temples faits de main d’homme, il n’est pas servi par des mains humaines comme s’il manquait de quelque chose, alors que c’est lui qui donne à tous la vie, le souffle, tout! Il a fait que la race entière des hommes, sortie d’un seul homme, habite sur toute la face de la terre, après avoir fixé à l’avance les temps et les limites de leur habitation; il a voulu qu’il cherchassent le divin, dans l’espoir de le trouver en tâtonnant - et d’ailleurs il n’est pas loin de chacun de nous, car c’est en lui que nous vivons, que nous remuons, que nous sommes, comme l’ont dit même quelques poètes de chez vous: “...nous aussi nous sommes de sa race”. D’où il ressort clairement qu’en utilisant des exemples poétiques tirés de Phénomènes d’Aratos il approuve ce que les Grecs ont dit de bon. En outre il a laissé entendre qu’à travers ce “Dieu inconnu” les Grecs honoraient par périphrase le Dieu créateur, et qu’il leur fallait le recevoir et l’étudier en pleine connaissance par l’intermédiaire du Fils.»
 
Vue de face du Panthéon


[ Rome, Italie ]
 


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Clément d’Alexandrie (IIe siècle)
Les Stromates II, 16, 74,1-75,3. 77,1-6

«Mais Dieu n’a avec nous, aucune relation de nature, comme le veulent les fondateurs des hérésies - ni s’il nous a faits du néant, ni s’il nous a fabriqués à partir de la matière, puisque l’un n’a absolument aucune existence et que l’autre se trouve totalement différente de Dieu; - à moins que quelqu’un n’ose dire que nous sommes une partie de lui et de la même substance que Dieu; mais je ne sais pas comment quelqu’un supportera d’entendre cette parole s’il a une fois connu Dieu et s’il regarde notre vie et dans quels maux nous sommes plongés. Dans cette hypothèse, en effet, Dieu - ce qu’il n’est pas permis de dire - serait en partie auteur de fautes, si, en vérité, les partie d’un tout sont parties intégrantes du tout; mais, si elle ne le sont pas, il ne saurait y avoir de parties. Cependant, Dieu qui, par sa nature, “est riche en miséricorde” (Pr. 24,26); à cause de sa bonté, prend soin de nous, sans que nous soyons ni des parties de lui, ni ses enfants par nature.
Et précisément, c’est la plus grande manifestation de la bonté de Dieu, quand nous lui sommes ainsi, par nature, tout à fait “étrangers”, qu’il prenne soin pourtant de nous. Il est naturel que les animaux aient de la tendresse pour leurs petits, et que l’amitié naisse de la vie commune entre ceux qui ont mêmes sentiments; mais si Dieu, lui, est riche en miséricorde pour nous qui n’avons aucun rapport à lui, je veux dire quant à notre être réel, ni quant à la nature ou à la puissance propre de cet être, c’est seulement parce que nous sommes l’oeuvre de sa volonté; et, précisément, celui qui volontairement s’est élevé, grâce à l’ascèse et à l’enseignement, jusqu’à la connaissance (gnose) de la vérité, il l’appelle à l’adoption filiale qui est le progrès suprême. “Les transgressions de l’homme l’enserrent dans un filet, et chacun ressent l’étreinte des liens de ses propres fautes”; et Dieu n’en est pas responsable; et, de fait, “heureux l’homme qui se fait petit devant toutes choses par circonspection”.
Or, la science existe grâce à la raison et elle ne peut être changée par une autre raison.
Ce que nous ne faisons pas, c’est ou bien parce que nous ne pouvons pas, ou bien parce que nous ne voulons pas, ou bien pour ces deux causes. Ainsi, nous ne volons pas parce que ni nous ne le pouvons, ni nous ne le voulons; nous ne nageons pas, à vrai dire pour le moment, parce que, tout en le pouvant, nous ne le voulons pas; nous ne sommes pas comme le Seigneur, parce que, tout en le voulant, nous ne le pouvons pas. Car “aucun disciple n’est au-dessus du maître, mais il suffit que nous devenions comme le maître (Mt 10,24), non pas quant à l’être même, car il est impossible que soient égaux quant à l’existence, ce qui est Dieu par adoption et ce qui l’est par nature, mais bien par le fait de devenir éternels, de jouir de la connaissance contemplative des êtres, d’être appelés fils et, appuyés sur ce qui lui appartient en propre, de voir le Père seul. Or, pour tout cela, la volonté marche en avant; car les facultés raisonnables sont naturellement au service de la volonté. “Veuille, dit l’Ecriture, et tu pourras”; pour le gnostique, c’est une même chose que de vouloir, de juger et de s’exercer. En effet, si ses intentions sont les mêmes, ses principes et ses jugements seront aussi les mêmes, en sorte que ses paroles et sa vie et sa conduite seront conforme à son orientation; “le coeur droit cherche à connaître” (Pr. 27,21 a (LXX)) et il est attentif à ce qu’il connaît. “Dieu m’a enseigné la sagesse et j’ai connu la science des saints (Pr. 24,26).»
 
Cérès Romaine

Pergamon museum

[ Berlin, Allemagne ]
 


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Aspects mystiques de la Rome Païenne, Les “Cereres” et les Numides
Jérôme Carcopino

«Le 13 décembre, jour des ides, se fêtait, non l’anniversaire de la fondation du temple de la Terre-Mère, mais la nativité de la Terre elle-même. La cérémonie se célébrait suivant le rite grec, puisqu’elle comprenait un lectisterne. Elle solennisait le réveil de la nature, le blé qui lève dans les sillons, comme les Thesmophories. Enfin, elle associait Cérès à Tellus, comme à Syracuse Démèter et Korè, comme en Afrique les deux Cérès, c’est-à-dire, nous l’avons vu, Tellus genitrix et Cérès. En sorte que nous pouvons affirmer qu’au moins après l’institution du calendrier julien, antérieure de cinq ans à la publication du De bello Iugurthino, à Rome comme en Afrique, et en Afrique comme à Rome, le dies Cererum, à la fois considéré comme le natalis de Tellus et célébré par un lectisterne de Cérès, tombait le 13 décembre, comme c’est à un jour correspondant au 13 décembre julien que fut fixée, après une neuvaine de recueillement, la grande liesse des Thesmophories syracusaines, dont l’écho s’est prolongé jusqu’au seuil des temps modernes.
Le folkloriste de la Sicile, Pitrè, a, en effet, depuis longtemps remarqué, sans que les archéologues aient jamais utilisé son observation, que Santa Lucia, la patronne chrétienne de Syracuse, hérita les pouvoirs que les païens de la contrée attribuaient à Démèter et à Koré. On y fête la sainte deux fois l’an, en reconnaissance du salut qu’à deux reprises elle aurait apporté aux Syracusains menacés de mourir de faim: à la Santa Lucia delle Quaglie, on honore l’un de ces miracles. La population allait succomber d’inanition: à peine la châsse de la sainte avait-elle été exposée qu’on vit s’abattre sur la cité un vol de cailles si dense et nombreux que les habitants n’avaient que les mains à allonger pour prendre le gibier. Lors de la grande fête de Santa Lucia, au jour anniversaire de son martyre, on commémore le miracle qui s’était manifesté à sa mort. Une cruelle disette décimait les Syracusains, quand, le soir, apparut toute une flotte, chargée de blé, qui en hâte débarqua sa cargaison et leva l’ancre dans la nuit, sans que ses équipages eussent réclamé rien à personne, sans que personne eût jamais su d’où elle était venue, où elle s’en était retournée. A mon sens, de ces deux solennités, la première, qui mêle le souvenir de Santa Lucia à celui des cailles d’Ortygie, l’île aux cailles (ortuges) que Démèter avait donnée jadis en présent à la fille, rappelle et remplace la fête de Korè et, comme elle autrefois, se déploie toujours au mois de mai. La seconde, qui est liée au natalis de la sainte, tel qu’il est consigné dans ses Actes, rappelle et remplace, à mon avis, la réjouissance des Thesmophories. A la Santa Lucia, il est d’usage de manger la cuccia, un gâteau cuit au miel, suivant la recette des mulloi que les dévots des Thesmophores consacraient à leurs déesses; et le natalis de Santa Lucia s’inscrit dans le calendrier chrétien au 13 décembre, comme s’inscrivirent jadis au 13 décembre, dans les calendriers païens, le natalis Telluris et le lectisterne de Cérès, cette fête où Arnobe nous a fait retrouver le dies Cererum, et qui n’était en Italie comme en Afrique, qu’une transposition des Thesmophories syracusaines.
Ainsi le culte populaire de la sainte chrétienne s’est inséré dans le cadre où s’était accompli celui des vieilles divinités helléniques, qui, de Syracuse, s’était propagé jusqu’à Rome et, par l’intermédiaire de Carthage et l’action des rois numides, dans l’Afrique entière; et cette coïncidence vérifie du même coup toutes nos hypothèses: l’identité des Thesmophores grecques et des Cereres africaines, le dédoublement des Cereres africaines en Tellus genitrix et en Cérès, la correspondance du dies Cererum avec la fête romaine de Tellus et de Cérès, d’une part, et, de l’autre, avec la journée d’allégresse qui couronnait les Thesmophories siciliennes; et, par surcroît, comme ce jour, fixé à Rome, en Sicile et en Afrique au 13 décembre, était, au dire de Salluste, festus celebratusque à Vaga et dans toute la Numidie dès l’an 109 avant notre ère, nous découvrons finalement dans le récit de l’historien latin un des rares supports où suspendre solidement sa chronologie toute relative de la guerre contre Jugurtha.»
 
La Terre Mère à l’Ara Pacis


[ Rome, Italie ]
 


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Le Panthéon
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Le Panthéon
Histoire : 
La succession des divinités étrangères à Rome
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Le Panthéon, un hymne à la lumière
Signes de la foi : 
La réponse évangélique aux espérances humaines