Le chemin des Cathédrales / Evangile /Jeu des Mystères

 
 
 Jeu des Mystères
L’Eglise a toujours représenté visuellement ce qu’elle célébrait.
 
Histoire :
 
Des méthodes successives pour comprendre les textes sacrés.
La liturgie des premiers siècles réunissait pour une même prière des gens qui partageaient la même langue, le grec populaire et la même culture méditerranéenne. Le besoin de signes sensibles pour soutenir la prière était tout à fait satisfait par la sobriété des symbole liturgiques. L’exemple le plus immédiat que nous ayons de cette représentation du mystère de Dieu est l’actuel office nocturne de Pâques. En effet le pape Pie XII a restitué la liturgie du IVe siècle comme elle se célébrait à Rome. Aujourd’hui encore, le passage de la nuit à la lumière du feu nouveau, la bénédiction de l’eau touchent les yeux et les oreilles et communiquent à l’assemblée une émotion sensible qu’elle peu partager.
A partir des grandes invasions qui introduisirent dans la communauté chrétienne des gens tout à fait étrangers à la civilisation gréco-romaine, ces rites furent insuffisants pour dévoiler aux pratiquants issus du nord de l’Europe le sens des textes liturgiques. La difficulté était d’autant plus grandes que la plupart de ces nouveaux fidèles ne savait pas lire et ne pouvait apprendre le sens des cérémonies que par la lecture de l’Evangile proclamé par le célébrant. Même présent aux grands offices de Noël et de Pâques, ils n’en comprenaient pas le sens. Au moins aurait-il fallu qu’ils comprennent l’Evangile qui donne la clé de ces cérémonies.
Un moine de St-Benoît-sur-Loire eut l’idée de mimer le récit de la Résurrection à l’intérieur de la messe de Pâque. Le diacre et le sous-diacre couverts d’un voile pour représenter les saintes femmes quittaient l’autel pour aller chercher la croix et les hosties consacrées le Jeudi Saint. Un dialogue s’instaurait entre le célébrant et ses assistants : “Dis-nous Marie, qu’as tu vu en chemin? –Le sépulcre du Christ ressuscité.” Cette mise en scène impressionna tellement les fidèles qu’en trente ans toute les églises d’Europe l’avaient adoptée. Beaucoup la reproduisirent la nuit de Noël. Cette fois c’est le peuple qui allait chercher une statuette de l’Enfant Jésus pour la rapporter sur l’autel, en chantant l’hymne Adeste fideles. Progressivement des petites séquences mimées s’introduisirent dans la liturgie, ainsi le “jeu des rois” ou celui d’Emmaüs. Les fidèles eux-mêmes se mirent à participer à la sobre évocation du récit, les hymnes et les tropaires qui nous en restent font soupçonner la possibilité d’une agitation dans l’église. Aujourd’hui encore, l’Evangile du dimanche des Rameaux, qui commence la Semaine Sainte par le récit de l’entrée de Jésus à Jérusalem est chanté à plusieurs voix. Le jubé gothique permettait aux lecteurs d’y proclamer la parole de Dieu pendant la liturgie et ses sculptures la racontaient. Plusieurs lecteurs trouvaient place sur cette tribune, pour animer ainsi le récit de l’Evangile.
Au XIIIe siècle, le développement des mimes, les “jeux” inclus dans la liturgie, devint trop important et le clergé déplaça à l’extérieur de l’église la dramatisation des scène bibliques. C’était fête pour le peuple de chercher la place de chacun parmi tous les personnages représentés lors de ces festivités qu’on appelle “les mystères”. L’influence de cette dramatisation de l’Ecriture fut énorme, au point d’être représentée sur le murs de clôture du chœur des cathédrales, pour y raconter l’Evangile avec la même composition que celle des mystères.
Les détails de la vie quotidienne: mobilier, animaux domestiques, outils, rapprochaient les textes de l’Evangile de la prédication populaire.
Au XVe siècle, le chanoine Arnoul Gréban qui fut directeur de la maîtrise de Notre-Dame de Paris composa “le Mystère de la Passion”. Il sut associer au texte évangélique l’expression de la dévotion populaire, par exemple il ose prêter son talent aux rois-mages pour chanter une ballade à l’Enfant Jésus: “ Melchior: Je te salue, cher enfant grâcieux, très noble fils, très saint fruit précieux, des beaux le choix où plus beau ne fait querre. Je te salue, des doux plus délicieux, le plus, des plus bénins le plus pitoyable. Céleste pain, vraie angulaire pierre, parfait amour devant toi m’amène.”
Cette animation d’abord liturgique, puis populaire est à la naissance du théâtre occidental. Le mouvement spontané de la mise en scène devait, en effet, alourdir ces célébrations, au point de déloger la fête pour la transférer dans des salles profanes, éloignées cette fois de la façade des églises.
Les prêtres qui s’étaient beaucoup servis de la reproduction visuelles des passages de l’Ecriture, ne pouvaient renoncer au bénéfice de celle-ci. C’est pourquoi, afin de styliser et d’épurer la dramatisation, les chanoines de la cathédrale de Paris, réintroduisirent dans celle-ci les mimes des Evangiles, confiés cette fois à des marionnettes. Ce jeu quotidien, y compris pendant le Carême au cours duquel tout spectacle était interdit, attirait tant de monde qu’il fut déplacé à l’extérieur, mais ne fut même pas interrompu pendant la révolution française. Seul l’empereur Napoléon y mit fin quand il récrivit l’Evangile dans une perspective politique.
Dans d’autres pays comme l’Espagne et l’Amérique latine, au XVIe siècle, les Jésuites confièrent à des statues montées sur des chars, les “passos”, le soin de représenter les scènes de la Passion aux yeux des fidèles. Ces processions durent encore aujourd’hui et attirent autant de touristes que de croyants. On leur doit aussi la mise en scène tout à fait moderne des passions humaines. La pièce de Calderòn qui s’appelle “Le grand théâtre du monde” est encore jouée en Autriche et parfois ailleurs. Actuellement, des tentatives récentes sont parfois reprises dans le même esprit qu’au Moyen Age, par exemple les “Passion” d’Oberrammergau en Allemagne ou de Belleville en France.
 
Ivoire mosan représentant le jeu liturgique de la “visitatio sepulcri”

Musée des Cloisters

[ New York, Etats-unis ]
Trois portails de la façade Ouest de Notre-Dame de Paris

Notre-Dame de Paris

[ Paris, France ]
Dramatisation de la scène de l’annonciation, détail du retable de Münster


[ Valais, Suisse ]
Tableau de Gelaso Gelasi représentant la célébration d’un mystère, XVe siècle

Musée Boÿmans

[ Rotterdam, Pays-bas ]
Statue utilisée pour la procession des rameaux

Musée Sainte Catherine

[ Utrecht, Pays-bas ]
L’agonie du Christ
retable exposé
Musée d’Histoire de Bâle

[ Bâle, Suisse ]
Arrestation du Christ
retable exposé
Musée d’Histoire de Bâle

[ Bâle, Suisse ]
Le couronnement d’épines
retable exposé
Musée d’Histoire de Bâle

[ Bâle, Suisse ]
Descente de croix, Cuivre doré
Limoges
Fondation Abegg

[ Riggisberg, Suisse ]
 


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  Documents associés : 
Lieu : 
Notre-Dame de Paris
Présupposés théologiques : 
Pourquoi et comment représenter Dieu?
Experience humaine : 
Le besoin de trouver un sens à la vie.
Citations : 
Stabat Mater
Victimae paschali laudes
Le jeu des mystères
Mystère de la Passion d’Arnoul Gréban
Disciples d’Emmaüs à Rouen