Le chemin des Cathédrales / Raison et foi /Dieu est-il connaissable?

 
 
 Dieu est-il connaissable?
Dieu a-t-il laissé des empreintes dans l’œuvre qu’il a créée, en sorte que celle-ci le reflète comme des miroirs?
 

Citations :Le prophète Ezéchiel
Saint Jean
Saint Paul
Le Coran, Sourate 24 (La lumière), v. 25
Le Coran, Sourate 29, v. 46
Al-Ghazali
Averroès
Thomas d’Aquin (XIIIe siècle), l’âme intelectuelle se connaît-elle par son essence?
Thomas d’Aquin (XIIIe siècle), Dieu existe-t-il?
Thomas d’Aquin (XIIIe siècle), pouvons-nous, en cette vie, connaître Dieu par la raison naturelle?
Thomas d’Aquin (XIIIe siècle), au-dessus de la connaissance naturelle, y a-t-il une connaissance de Dieu par la grâce?
Thomas d’Aquin (XIIIe siècle), Dieu peut-il être nommé par nous?
Rûmi (XIIIe siècle)
Ibn Arabi
Bonaventure
Guillaume de Tocco sur saint Thomas d’Aquin
Thomas d’Aquin sur l’imitation de Dieu
Thomas d’Aquin, La défence de la vérité
Thomas d’Aquin, Dieu a imprimé son image en nos âmes
Prière trouvée dans la poche d’un soldat russe inconnu mort pendant la guerre


 
Le prophète Ezéchiel
Ezéchiel 36, 26-28

En prêtant à Dieu une telle impatience que l’homme dépasse son effort d’intelligence rationnelle, le mystique rejoint les promesses bibliques:
“Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’enlèverai votre cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon esprit: alors vous suivrez mes lois, vous observez mes commandements et vous y serez fidèles. Vous habiterez le pays que j’ai donné à vos pères. Vous serez mon peuple, et moi, je serai votre Dieu.”
 


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Saint Jean
Jean 16, 12-14

Saint Jean montre l’accomplissement de cette promesse de Dieu: “Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité toute entière. En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même: il redira tout ce qu’il aura entendu, et ce qui va venir, il vous le fera connaître. Il me glorifiera car il reprendra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître.”
 


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Saint Paul
Epitre de saint Paul aux Romain 1, 20-23

“Depuis la création du monde les hommes, avec leur intelligence, peuvent voir, à travers les œuvres de Dieu, ce qui est invisible: sa puissance éternelle et sa divinité. Ils n’ont donc pas d’excuse: puisqu’ils ont connu Dieu sans lui rendre la gloire et l’action de grâce que l’on doit à Dieu. Ils se sont laissés aller à des raisonnements qui ne mènent à rien, et les ténèbres ont remplis leurs cœurs sans intelligence. Ces soi-disant sages sont devenus fous; ils ont échangé la gloire de Dieu immortel contre des idoles représentant l’homme mortel, ou des oiseaux, des bestiaux et des serpents.”
 


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Le Coran, Sourate 24 (La lumière), v. 25
Cette réflexion sur l’effort de l’intelligence pour trouver Dieu n’est pas réservée aux seuls Chrétiens. On trouve dans les livres des autres religions des textes qui témoignent de cette exigence du cœur de l’homme.
“Dieu est la lumière des cieux et de la terre!
Sa lumière est comparable à une niche où se trouve une lampe.
La lampe est dans un verre; le verre est semblable à une étoile brillante.
Cette lampe est allumée à un arbre béni: l’olivier qui ne provient ni de l’Orient, ni de l’Occident
Et dont l’huile est près d’éclairer
Sans que le feu la touche.
Lumière sur lumière!
Dieu guide, vers sa lumière, qui il veut.” (Le Coran, Sourate 24 (La lumière), verset 35) Muhammad regarde le monde créé avec un esprit de foi. Considérant les cieux et la terre, il confesse que Dieu en est la lumière. Du coup il décompose comment la lumière divine vient jusqu’à nous et le cosmos tout entier offre la réflexion de la niche où se trouve la lampe de l’acte créateur. Comment pouvons-nous discerner le scintillement de Celui-ci? C’est que la lampe est dans un verre, la puissance divine fait exister tout ce qui est visible. Celui qui est capable de voir la présence créatrice au travers des réalités de ce monde, fait de celles-ci une étoile brillante. Avant de remarquer: “Dieu guide vers sa lumière qui il veut”, Muhammad observe que l’huile de la lampe ne fait pas de différence entre l’Orient et l’Occident et que elle éclaire sans être détruite par la puissance divine.
 


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Le Coran, Sourate 29, v. 46
Ne discutez avec les gens du Livre que de la manière la plus douce, sauf avec ceux d’entre eux qui ont été injustes. Dites : “Nous croyons en ce qui nous a été révélé et en ce qui vous a été révélé. Notre Dieu et le vôtre ne sont qu’un seul et même Dieu et nous Lui sommes soumis”
 


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Al-Ghazali
La perspicacité de l’homme pour discerner l’éclat de la lumière divine dépend de la pureté de son cœur, ainsi que l’analyse Al-Ghazali (1059-1111) “Soit un miroir oxydé dont la rouille couvre la surface, offusque la clarté et empêche nos images de s’y imprimer. Normalement un miroir est susceptible de recevoir les images et de les réfléchir telles quelles. Celui donc qui voudra le remettre en état devra s’acquitter de deux besognes: frotter et polir, c’est-à-dire éliminer la rouille qui ne devrait pas exister; disposer le miroir face à l’objet que l’on veut reproduire. Ainsi l’âme humaine est apte à devenir un miroir qui, en toutes occasions, pourrait être disposé face au Vrai.”
 


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Averroès
Grand commentaire de la métaphysique d’Aristote, Aubert Martin, traduit de l’arabe et annoté, les Belles Lettres, Paris 1984

Aussi s’est-il trouvé des gens pour déclarer que connaît le monde d’ici-bas d’une science universelle, non d’une science particulière.
A la vérité, dès lors qu’Il se connaît Lui-même - et qu’Il ne connaît que Lui - Il connaît les êtres dans la mesure où Il est la cause de leur existence. Prenons un exemple: de celui qui ne connaît que la chaleur du feu, on ne peut dire qu’il ignore la nature de la chaleur qui existe dans ce qui est chaud. On dira au contraire que ce qu’il connaît, c’est la nature de la chaleur en tant que chaleur. De même, le premier, c’est-à-dire Dieu connaît la nature de l’être en tant qu’être absolu, à savoir Lui-même. Aussi le nom de science s’emploie-t-il de la science de Dieu comme de la nôtre, par homonymie. En effet, la science de est la cause de l’être, alors que c’est l’être qui est la cause de notre science. La science de Dieu ne peut donc être qualifiée d’universelle ni de particulière, parce que celui dont la science est universelle connaît en puissance les choses particulières qui sont en acte. Par conséquent, ce qu’il connaît tient nécessairement d’une science en puissance, puisque l’universel n’est que la science des choses particulières, Si donc l’universel est une science en puissance et qu’il n’y ait pas de puissance dans la science de Dieu, c’est que Sa science n’est pas universelle. Que la science de Dieu ne soit pas particulière est encore plus évident. Les choses particulières, en effet, sont infinies et il n’y a pas une science qui les définisse. Dieu, par conséquent, ne peut se définir par la science qui est la nôtre, non plus que par l’ignorance qui en est l’opposé: ainsi en est-il de ce qui, par nature, reste étranger à l’un des deux. Ainsi donc se trouve établie l’existence d’un Etre qui possède la science qui ne peut se définir par la science qui est la nôtre non plus que par l’ignorance qui est la nôtre, dont l’existence ne se distingue pas de sa science.
 


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Thomas d’Aquin (XIIIe siècle), l’âme intelectuelle se connaît-elle par son essence?
Somme théologique. I-II, question 87, art.1,

En sens contraire, il est dit au traité De l’Âme (V 12 (430 a 2)) que l’intellect se connaît lui-même, comme il connaît les autres choses. Or il ne connaît pas celles-ci par leurs essences, mais par leurs similitudes. Donc il ne se connaît pas par son essence.
Réponse : Tout être est connaissable pour autant qu’il existe en acte, et non pour autant qu’il existe en puissance. En effet, quelque chose est de l’être et du vrai, et tombe donc sous la connaissance dans la mesure où il existe en acte. C’est évident pour les réalités sensibles : la vue ne perçoit pas le coloré en puissance, mais le coloré en acte. De même pour l’intellect, en tant qu’il est apte à connaître les réalités matérielles ; il ne connaît pas ce qui est en acte. Et voilà pourquoi il ne connaît la matière première que par son rapport à la forme. Quant aux substances immatérielles, c’est dans la mesure où il leur convient par essence d’être en acte qu’elles sont intelligibles par leur essence.
Donc, l’essence de Dieu, qui est un acte pur et parfait, est absolument et parfaitement intelligible en elle-même. C’est pourquoi Dieu connaît par son essence non seulement lui-même, mais encore tous les êtres. - L’essence de l’ange appartient au genre des intelligibles, puisqu’elle est un acte, mais ce n’est pas un acte pur et complet. Aussi son activité intellectuelle ne peut-elle être totalement accomplie par son essence. C’est bien par elle que l’ange se connaît lui-même, mais il ne peut par elle connaître toutes choses, et il connaît les réalités autres que lui à l’aide de similitudes. Quant à l’intellect humain, il n’est dans le genre des intelligibles qu’un être en puissance, comme la matière première dans le genre des réalités sensibles. D’où le nom d’intellect “possible”. Si donc on le considère dans son essence, il ne connaît qu’en puissance. Il possède ainsi par soi-même la capacité de connaître, mais non celle d’être connu, si ce n’est lorsqu’il est en acte. Les platoniciens admettaient aussi un ordre d’êtres intelligibles au-dessus de l’ordre des intelligences ; car, pour eux, l’intelligence ne connaît qu’en participant de l’intelligible, et l’être participant est inférieur à l’être participé.
Si l’intellect humain était mis en acte par participation aux formes intelligibles séparées, selon la doctrine des platoniciens, il se connaîtrait lui-même en participant ainsi aux réalités incorporelles. Mais il est connaturel à notre intellect, dans l’état de la vie présente, de regarder les choses matérielles et sensibles, comme on l’a dit précédemment (Q. 12, a. 1). Par conséquent, notre intellect se connaît lui-même, en tant qu’il est mis en acte par les espèces que la lumière de l’intellect agent abstrait du sensible; et cette lumière est l’acte de ces intelligibles, et, par leur intermédiaire, de l’intellect possible. Ce n’est donc pas par son essence que notre intelligence se connaît, mais par son acte.
Et cela de deux manières. D’abord, sous un mode particulier, lorsque Socrate ou Platon perçoit qu’il possède une âme intellectuelle, du fait qu’il perçoit qu’il comprend. Ensuite, sous un mode universel, lorsque nous considérons la nature de l’esprit humain d’après l’acte d’intelligence. Il est bien vrai que le pouvoir de juger et la valeur de la connaissance par laquelle nous comprenons la nature de l’âme nous vient de ce que la lumière de notre intelligence dérive de la vérité divine, en qui sont contenues les idées de toutes les choses. D’où cette parole de S. Augustin (IX De Trin. 6. PL 42, 966. BA 16, 93): “Nous contemplons l’incorruptible vérité, par laquelle nous définissons aussi parfaitement que possible non pas ce qu’est l’esprit de chaque individu humain, mais ce qu’il doit être selon les raisons éternelles.” y a cependant une différence entre ces deux modes de connaître. Car, pour avoir une connaissance du premier mode, il suffit de la présence même de l’esprit, qui est le principe de l’acte par lequel l’esprit se perçoit lui-même. Aussi dit-on qu’il se connaît par sa présence. Mais pour avoir la connaissance du second mode, la seule présence ne suffit pas; il y faut encore une recherche active et pénétrante. Par suite, beaucoup ignorent la nature de l’âme, et beaucoup aussi se sont trompés sur sa nature. C’est pourquoi S. Augustin dit d’une telle recherche sur l’esprit (Ibid. X, 9. PL 42, 980. BA 16, 14.5): “ L’esprit ne cherche pas à se connaître comme s’il était absent, mais il cherche dans sa présence à discerner ce qu’il est ”, c’est-à-dire à connaître en quoi il diffère des autres réalités, ce qui est connaître sa quiddité et sa nature.
 


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Thomas d’Aquin (XIIIe siècle), Dieu existe-t-il?
Somme théologique, I, q. 2, a. 3.

Cinq voies sont possibles pour prouver que Dieu existe. La première et la plus manifeste part du mouvement. Il est certain, d’une certitude sensible, qu’il y a du mouvement ou du changement dans le monde. Or tout ce qui est mû, est mû par autre que soi. En effet, rien ne se meut qu’en étant en puissance par rapport au terme du devenir ; et ce qui meut est en acte, puisque mouvoir n’est rien d’autre qu’élever un être de la puissance à l’acte : un être ne peut être porté à l’acte que par un être en acte, par exemple c’est le feu qui communique sa chaleur au bois. Mais il est impossible qu’un être soit, à la fois et sous le même rapport, en acte et en puissance ; par exemple, ce qui est simplement en état d’être brûlé ne peut être, au même moment, en feu. Impossible donc d’être, sous le même rapport et identiquement, moteur et mû, c’est-à-dire de se mouvoir soi-même absolument. Donc ce qui est mû est mû par autre que soi. Si donc le moteur est mû, ce ne peut être que par un autre, et cet autre par un autre. Mais on ne peut remonter à l’infini, car il n’y aurait alors aucun premier moteur, et par suite aucun mouvement, les moteurs seconds n’agissant que sous l’action d’un premier, comme un bâton sous l’action d’une main. Il faut donc en venir à quelque premier moteur qui ne soit mû par aucun autre : ce que tout le monde entend par Dieu.
La deuxième voie s’appuie sur la notion de cause efficiente.
Nous trouvons, dans ce monde sensible, un ordre de causes efficientes. On ne voit pas, et il est impossible, qu’un être soit sa propre cause efficiente : il existerait avant lui-même. Impossible, ici encore, de remonter à l’infini. Car, dans la hiérarchie des causes efficientes, le dernier effet dépend d’un effet intermédiaire qui peut comporter plusieurs éléments ; et l’effet intermédiaire s’explique par une donnée première. Supprimer cette donnée serait supprimer toute la série. La régression indéfinie dans l’ordre des causes efficientes implique la négation de cette donnée première, négation qui entraînerait celle de toute la série causale. Par conséquent il est nécessaire de poser une cause efficiente première. C’est elle que tous appellent Dieu.
La troisième voie se réfère aux notions du possible et du nécessaire.
Nous trouvons, dans la nature, des êtres qui peuvent exister ou ne pas exister, puisque certains naissent et meurent ; pour de tels êtres le fait d’exister et celui de ne pas exister sont également possibles. Impossible que de tels êtres soient éternels ; car, ce qui peut ne pas être, à un moment donné, n’est pas. Si donc il n’est au monde que du possible, un moment fut où rien n’était, ce qui revient à dire que même maintenant rien ne serait. L’être ne peut pas procéder du non-être. Et, sans la réalité d’un être, la possibilité même d’être ne s’expliquerait pas. Tout n’est donc pas pur possible; il existe, immanente au monde, quelque nécessité. Mais ce qui est nécessaire tient, d’un autre ou de soi-même, la raison de sa nécessité. Et comme pour la série des causes efficientes, il est impossible, pour les êtres nécessaires qui n’ont pas en eux-mêmes la cause de leur nécessité, de remonter à l’infini. Il faut donc poser un premier terme nécessaire par lui-même, et qui donne aux autres leur nécessité : ce que tous appellent Dieu.
La quatrième voie part des degrés constatés dans l’ordre même du réel.
On constate, dans le monde, du plus et du moins : degrés de bonté, de vérité, de perfection, etc. Le plus et le moins désignent divers termes par la distance différente qui les sépare d’un absolu. Il existe donc un absolu dans l’ordre du vrai, du bon, du parfait, et par conséquent de l’existence ; car, le plus haut degré de vérité est le plus haut degré d’être, selon la remarque d’Aristote au livre 2 de la Métaphysique. Et ce qui est absolu dans un ordre est la cause de tout le contenu de cet ordre. Il existe donc pour tous les êtres une cause de leur existence, de leur bonté, de toutes leurs perfections. Nous l’appelons Dieu.
La cinquième voie part de la considération de l’ordre qui règne dans le réel.
Nous voyons des êtres dépourvus de connaissance agir en vue d’une fin. On le reconnaît au fait qu’ils agissent, toujours ou le plus souvent, dans le sens de ce qui est pour eux le meilleur. Un tel fait ne peut être un hasard. Une intention conduit ces êtres vers leur fin. Mais les êtres dépourvus de connaissance ne tendent à leur fin que dirigés par une cause intelligente, comme la flèche par l’archer. Il existe donc un principe intelligent qui oriente vers leur fin toutes les réalités naturelles. Nous l’appelons Dieu.
 


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Thomas d’Aquin (XIIIe siècle), pouvons-nous, en cette vie, connaître Dieu par la raison naturelle?
Somme Théologique, 2a, qu.12, art.12

En sens contraire, Paul dit (Rm 1, 19): “ Ce qu’on peut connaître de Dieu est pour eux (les païens) manifeste ”, et il s’agit de ce qu’on peut connaître de Dieu par la raison naturelle. Réponse: Notre connaissance naturelle prend son origine des sens, et il s’ensuit que notre connaissance naturelle peut s’étendre aussi loin que les objets sensibles. Or, à partir des objets sensibles, notre intellect ne peut parvenir jusqu’à voir l’ essence divine ; car les créatures sensibles sont des effets de Dieu qui n’égalent pas la vertu de leur cause. Pour cette raison, à partir de la connaissance des choses sensibles, on ne peut connaître toute la puissance de Dieu, ni par suite voir son essence.
Toutefois, puisque les effets dépendent de la cause, nous pouvons être conduits par eux à connaître ici de Dieu qu’il est, et à connaître les attributs qui lui conviennent comme à la cause première universelle, transcendant tous ces effets. Donc, nous connaissons sa relation aux créatures, à savoir qu’il est cause de toutes ; et la différence des créatures par rapport à lui, qui consiste en ce qu’il n’est lui-même rien de ce que sont ses effets ; nous savons enfin que ces attributs, on ne les lui refuse pas comme lui faisant défaut, mais parce qu’il est trop au-dessus d’eux.
 


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Thomas d’Aquin (XIIIe siècle), au-dessus de la connaissance naturelle, y a-t-il une connaissance de Dieu par la grâce?
Somme Théologique, 2a, qu.12, art.13

En sens contraire, l’Apôtre écrit (1 Co 2, 10, 8) : “ Dieu nous a révélé par son Esprit ” des choses “ que nul parmi les princes de ce monde n’a connues ”. Il désigne ainsi, d’après la Glose, les philosophes.
Réponse: On doit affirmer que par la grâce nous avons une connaissance de Dieu plus parfaite que par la raison naturelle. En voici la preuve. La connaissance obtenue par la raison naturelle requiert deux choses : des images reçues des sens, et la lumière intelligible naturelle, par la vertu de laquelle nous abstrayons de ces images nos conceptions intelligibles. Or sur ces deux points, la révélation de la grâce vient en aide à la connaissance humaine. En effet, la lumière naturelle de l’intelligence est renforcée par l’infusion de la lumière de grâce. Et parfois des images sont formées par l’intervention divine dans l’imagination humaine, images qui expriment plus parfaitement les choses divines que les images qui nous viennent des choses sensibles par un processus naturel. C’est ce qui apparaît dans le cas des visions prophétiques. Il arrive même que des objets extérieurs, accessibles aux sens, soient formés par Dieu, ou encore des voix, pour exprimer quelque aspect du monde divin. C’est ainsi qu’au baptême du Christ, on vit le Saint-Esprit apparaître sous l’apparence d’une colombe, et la voix du Père se fit entendre: “ Celui-ci est mon Fils bien-aimé. ”
Solutions: 1. Sans doute, par la révélation de la grâce en cette vie nous ne connaissons pas de Dieu ce qu’il est, et nous lui sommes unis comme à un inconnu. Toutefois, nous le connaissons plus pleinement, en ce que des effets plus nombreux et plus excellents de sa puissance nous sont manifestés, et aussi en ce que, grâce à la révélation divine, nous lui attribuons des perfections que la raison naturelle ne saurait atteindre, par exemple que Dieu est trine et un.
 


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Thomas d’Aquin (XIIIe siècle), Dieu peut-il être nommé par nous?
Som. théol., I, q. 13, a. 1.

Nous avons montré (Som. théol., I, q. 12, a. 2 (supra p. 35)) que, durant notre vie, nous ne pouvions pas voir Dieu en son essence; mais nous pouvons le connaître à partir des créatures, selon le rapport de causalité, par voie de transcendance et de dépassement. Ainsi nous pouvons nommer Dieu en partant des créatures; toutefois, les noms que nous utilisons pour le désigner n’expriment pas l’essence divine telle qu’elle est, comme par exemple le mot homme exprime l’essence de l’homme telle qu’elle est, dans ce cas le mot correspond à une définition qui énonce une essence.
 


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Rûmi (XIIIe siècle)
Matnavi

Si tu bois, assoiffé, de l’eau dans une coupe, c’est Dieu que tu contemple au sein de l’eau. Celui qui n’est pas un amoureux de Dieu voit dans l’eau sa propre image.
 


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Ibn Arabi
cité par Zakia Zouanat, dans “L’amour soufi ”, paru dans Islam, n. 4, Février 2003, Paris

A la même époque que les savants juifs, musulmans et chrétiens, les mystiques musulmans exprimaient en poèmes leur expérience de la recherche de Dieu. Ibn ‘Arabi fait parler Dieu en rendant compte de son expérience.

“Ecoute ô mon bien-aimé!
Je suis l’objectif de toute quête dans l’univers
Je suis le point du cercle et sa circonférence
Je suis sa forme composée et simple
Je suis l’acte révélé entre la terre et les cieux
Je n’ai créé les facultés de compréhension que pour que tu Me saisisses par elles
Si tu me saisis à travers elles, tu te saisiras toi-même
N’aspire pas à Me saisir à travers ta propre compréhension
Par Mon œil tu Me vois et tu te vois toi-même
Tu ne me vois pas par ton œil
Mon bien-aimé!
Combien Je t’appelle: mais tu n’entends pas
Combien Je Me montre à toi: mais tu ne vois pas
Combien Je suis enrobé pour toi dans les senteurs: mais tu ne sens pas
Et dans les saveurs: mais tu ne Me goûtes pas
Pourquoi ne Me touches-tu pas dans les choses palpables?
Pourquoi ne Me sens-tu pas dans les senteurs?
Pourquoi ne Me vois-tu pas?
Pourquoi ne M’entends-tu pas
Qu’as-tu? qu’as-tu ? qu’as-tu?
Je suis plus délicieux pour toi que tout délice
Je suis plus désirable pour toi que tout ce qui peut être désiré
Je suis meilleur pour toi que tout bien
Je suis le Beau! Je suis le Gracieux!
Aime-Moi! n’aime aucun autre que Moi!
Aime-Moi passionnément! inquiète-toi de Moi
Ne t’inquiète pas d’un autre que Moi
Etreins-Moi! Embrasses-Moi!
Tu ne trouveras pas une fin comme Moi
Tous te veulent pour eux
Je te veux pour toi
Et tu me fuis
Ô mon bien-aimé!
Tu n’es pas équitable avec Moi
Si tu t’approches de Moi
Je M’approche de toi de multiples fois davantage
Qui d’autre que Moi fait cela avec toi parmi les créatures?
Mon bien-aimé!
Je suis jaloux pour toi, de toi
Je n’aime pas te voir avec un autre
Ni avec toi-même
Sois avec Moi par Moi
Je serai avec toi
De la même façon que tu es avec Moi
Et tu es si distrait, si inconscient
Mon bien-aimé!
L’union dans l’amour. L’union dans l’amour.
Viens!
Ma main et la tienne
Entrons chez le Vrai Très-Haut
Afin qu’Il juge entre nous un jugement pour l’éternité… ”

 


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Bonaventure
Les sentences: questions sur Dieu, q. 2, réponse

Ma réponse:
Il faut dire qu’il faut jouir de Dieu seul, “jouir” étant entendu au sens propre, selon qu’il signifie un mouvement accompagné de plaisir et de satisfaction. Quant à “jouir” entendu au sens ordinaire, selon qu’il signifie un mouvement accompagné seulement de plaisir, l’homme peut jouir, d’une façon qui n’est pas indue, de toutes les choses qui procurent un plaisir spirituel et qui sont en liaison avec la fin, comme sont les fruits, les dons et les béatitudes. Mais, de la première manière, il faut jouir de Dieu seul.
La raison en est que rien ne peut suffisamment procurer sa fin à l’âme, si ce n’est le bien pour lequel elle est faite. Or, tel est le bien suprême qui est supérieur à l’âme, le bien infini qui excède les forces de l’âme. C’est un fait que la connaissance naturelle de l’âme ne se restreint pas à un seul genre de connaissance. C’est pourquoi elle est faite pour tout connaître d’une certaine manière. Sa connaissance ne s’arrête à aucun objet connaissable, si ce n’est à celui qui contient en soi tous les autres, et par lequel elle connaît tous les autres. Pareillement, son affection est faite pour aimer tout ce qui est bon. Par conséquent, aucun bien ne procure suffisamment sa fin à la puissance affective, si ce n’est parce qu’il est le bien de tout ce qui est bon, et parce qu’il est tout en tous. C’est de ce bien qu’il est écrit au chapitre XXXIII de l’Exode. «Je te montrerai tout bien.” Or, tel est le bien suprême. Donc, etc.
De plus, rien ne procure suffisamment sa fin à l’âme, si ce n’est le bien infini, En effet, s’estimer à sa fin est, de fait, nécessaire à l’âme, puisque sans s’estimer bienheureuse, elle ne le serait pas. Or, l’estimation dépasse tout ce qui est fini, car il reste toujours possible de penser quelque chose de plus grand que tout ce qui est fini. Par conséquent, puisque l’affection peut s’étendre jusqu’où peut parvenir cette estimation, l’affection de l’âme dépasse nécessairement tout ce qui est fini Et s’il en est ainsi, aucun bien fini ne lui procure suffisamment sa fin. Il faut donc jouir de Dieu seul, parce qu’il est le bien suprême et infini.
Et il ne faut pas seulement jouir de Dieu à cause d’une fin parfaite, mais aussi à cause d’un plaisir parfait. C’est un fait que l’objet du plaisir et son union avec celui qui y trouve du plaisir concourent au plaisir. Or, tout ce qui procure du plaisir à l’âme, le procure en raison du bien et du beau,. Puisque Dieu seul est la bonté même et la beauté, Dieu seul procure le plaisir parfait.
De plus, parce qu’en résulte l’union [avec Dieu]. Or, Dieu seul est celui qui s’unit parfaitement à l’âme, car il lui est uni selon la vérité et l’intimité. En effet, Dieu seul pénètre dans l’âme en raison de sa suprême simplicité et de sa suprême spiritualité. C’est pourquoi il est dans l’âme selon la vérité, et qu’il est plus intime à l’âme qu’elle l’est à elle-même.
En conclusion, ces quatre raisons se ramènent à celle-ci: l’âme est faite pour se saisir du bien infini qui est Dieu. Pour cette raison, elle doit trouver sa satisfaction en lui seul et jouir de lui seul.
 


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Guillaume de Tocco sur saint Thomas d’Aquin
Saint Thomas d’Aquin, enfant, demandait sans cesse à ses maîtres: “Qu’est-ce que Dieu?” devenu professeur de théologie, il avouait: “A le narrer, tous défaillent.” (d’après Guillaume de Tocco)
 


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Thomas d’Aquin sur l’imitation de Dieu
Prologue de l’Opuscule sur l’imitation de Dieu

Les vertus sont toujours représentées par des femmes. Celles-ci portent l’attribut qui les caractérise: ici l’agneau symbole de la douceur. “Le Seigneur Jésus ne nous commande pas d’agir ni de nous comporter comme Dieu: perfection à laquelle personne ne saurait atteindre. Il nous incite seulement à faire tous nos efforts pour nous conformer, selon nos moyens, aux moeurs divines; car nous le pouvons, la grâce aidant, et nous le devons.”
 
Médaillon représentant la douceur portant l’agneau, opposée à la violence

Notre-Dame de Paris

[ Paris, France ]
 


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Thomas d’Aquin, La défence de la vérité
Opuscule sur l’imitation de Dieu, ch.15.

La force tient l’épée, tandis que la lâcheté est figurée par un chevalier fuyant devant un lièvre. Les temps féodaux percevaient les vertus comme des relations entre personnes, ainsi opposaient-ils les vices aux diverses attitudes de la charité, ici symbolisée par l’agneau. “ Une perfection de Dieu est d’être vrai dans ses promesses car Dieu a la puissance pour accomplir tout ce qu’il promet, et “Il est fidèle en toutes ses paroles.” (Ps.144,14) ... Mais,hélas, il y a des traîtres à la vérité: “Le traître à la vérité, dit saint Jean Chrysostome n’est pas seulement l’homme qui profère ouvertement le mensonge ... Celui qui n’annonce pas librement la vérité qu’il a le devoir d’annoncer librement, ou qui ne défend pas librement la vérité qui doit être défendue librement, celui-là aussi est traître à la vérité”
 
Médaillon représentant la force au dessus de la lâcheté

Notre-Dame de Paris

[ Paris, France ]
 


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Thomas d’Aquin, Dieu a imprimé son image en nos âmes
Opuscule sur l’imitation de Dieu, ch.23.

“Dieu tendre et doux qui sans que nous l’ayons même désiré, as imprimé ton image dans nos âmes, nous t’en prions par tout ce que tu es, avec tout ce que tu es: daigne avec miséricorde imprimer en nous ces mœurs divines, afin que nous ne traversions pas en vain les périls de cette vie, et que tes travaux pour nous ne soient pas inutiles.”
 
Médaillon représentant la douceur qui porte une colombe et la colère de la châtelaine assise sur sa haute chaise qui frappe un enfant

Notre-Dame de Paris

[ Paris, France ]
 


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Prière trouvée dans la poche d’un soldat russe inconnu mort pendant la guerre
“M’entends-tu mon Dieu?...Tu sais que depuis ma plus tendre enfance on m’a dit que tu n’existait pas et moi j’était si bête que je l’ai cru. Jamais je n’avais eu conscience de la beauté de ta création. Aujourd’hui, soudain, en voyant les profondeurs de l’immensité, ce ciel étoilé au-dessus de moi, mes yeux se sont ouverts. Comment ai-je pu être si cruellement trompé?... La lumière a jailli en moi et je t’ai vu... Peut-être que cette nuit je frapperai chez toi. Bien que je n’ai jamais été ton ami, me permettras tu d’entrer quand j’arriverai?”
 


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Notre-Dame de Paris
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La réintégration de la philosophie rationnelle en Occident
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Les étapes de la manifestation de Dieu.
Experience humaine : 
Parler à Dieu plutôt que de parler sur Dieu