Terres d'Evangile / Passion /Le Calvaire

 
 
 La mort de Jésus
Le Calvaire est le lieu et le moment où se concentre toute l’œuvre du Christ et où il répond à toutes les interrogations humaines. Ses dernières paroles en développent le sens jusqu’à l’instant ultime où il remet son souffle à son Père, il lui remet sa vie avec une confiance si totale, qu’il déchire tous les liens que les hommes ont avec le mal et la mort: l’égoïsme, la jalousie, la violence, la vengeance.
 

Accomplissement des Ecritures :Les sept paroles du Christ en croix. Ce soir même tu seras avec moi dans le Paradis.
Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font
Femme, voici ton fils
Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?
J’ai soif
Tout est achevé
Père, entre tes mains je remets mon esprit
Coup de lance


 
Les sept paroles du Christ en croix. Ce soir même tu seras avec moi dans le Paradis.
Les évangélistes ont retenu les dernières paroles du Christ sur la croix avec d?autant plus d?attention, qu?elles résument toute sa mission. La première parole du Christ en croix s?adresse au bon larron:
“Ce soir même tu seras avec moi dans le Paradis” (Lc 23, 39-43) Elle pose un question très surprenante: il s?agit d?un condamné pour meurtre et sédition et Jésus l?introduit immédiatement dans la gloire. Est-ce que le salut peut-être instantané? ou bien nécessite-t-il un grand effort sur soi-même? Il se trouve que le bon larron vient de reconnaître simultanément ses crimes et l?innocence absolue du Christ. Cet acte de foi devant un mourant auquel il demande qu?il se souvienne de lui dans son royaume, déplace notre idée de la justice, surtout si nous la rapprochons de la phrase suivante, prononcée par Jésus s?adressant à son Père auquel il demande le pardon de ses persécuteurs en précisant:
 
Le Bon Larron, chemin de croix
M.Diener


[ Montsevelier, Suisse ]
 


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Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font
’Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu?ils font’ (Lc 23,34) Qu?est-ce qu?un péché? le péché n?est pas d?abord un acte condamnable, inscrit sur une liste de péchés, c?est une erreur et c?est pourquoi on est responsable de sa conscience, de ce qu?on pense. Le Christ demande qu?on soit pardonné d?une erreur et d?une erreur dans la connaissance. Une paresse dans la recherche de Dieu est un péché. Le péché est de ne pas savoir ce que nous choisissons de faire. La recherche de la transcendance, du sens de la vie est la mesure morale de tout acte. N?étant pas maître du jour de ma naissance, mon existence quotidienne dépend forcement du Créateur. En ce cas prêter attention à son être est le sujet le plus urgent pour tout effort d?intelligence. ?La vie éternelle c?est qu?il te connaissent? Les religions du monde biblique (Babylone, Egypte, Grèce) pensaient que l?homme n?existait que pour servir les dieux; la Bible fait l?honneur à l?homme de considérer qu?il n?existe que pour connaître Dieu.
Ces deux phrases bouleversent l?habitude spontanée qui confond la faute avec la rupture des conventions sociales. Celui qui les observe par orgueil et se tient quitte devant Dieu à cause de son comportement est en dehors de la foi et échappe à la miséricorde du Seul qui soit saint. Celui dont les agissements ne correspondent pas à ce que la société attend de lui, peut par ailleurs être tout à fait pardonné dans la mesure où il se remet humblement à la bonté divine qui seule juge le secret des c?urs. La loi civile occidentale a été très marquée par la loi de la Bible, mais elle ne se confond pas avec elle: c?est l?orgueil qui est la cause du péché, qui offense la loi de Dieu elle-même et en conséquence il obscurcit l?intelligence, mais l?humilité répare la relation à Dieu.
L?exemple de Jésus tout au long de l?Evangile révèle ce mystère central. Il a choisi pour apôtre Mathieu, un percepteur d?impôts, allié aux occupants, il s?est invité chez Zacché au grand scandale des Pharisiens qui considéraient ce dernier comme un collaborateur des Romains, il a accepté que Marie Madeleine verse sur ses pieds un vase de parfum, alors que c?était un geste de prostituée. Ainsi honorait-il l?acte de foi de personnages rejetés par les bienséances. Au demeurant, chaque fois, le Christ a été repris par les notables. Il a expliqué cette erreur sur le service de Dieu en racontant la parabole du Pharisien et du Publicain. Cette fois-ci, au moment de mourir, c?est à un criminel de droit commun qu?il assure le Paradis. Pourquoi les actions plus conformes au comportement requis par la loi de Dieu sont-elles si brusquement absoutes, sinon parce que les pécheurs font confiance à la miséricorde du Père. Jésus se préoccupe au même instant de ceux qui continuent d?ignorer la miséricorde de Dieu et sont dans le péché parce qu?en fait leur attitude orgueilleuse est une injure à Dieu, qu?elles méconnaissent. A eux il ne peut pas promettre le Paradis, mais seulement implorer le pardon du Père.
 
Crucifix

chapelle des Visitandines

[ La Roche-sur-Yon, France ]
 


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Femme, voici ton fils
’Femme, voici ton fils’ (Jn 19, 25-27) A l?Annonciation l?ange a salué Marie comme étant toute gracieuse, Lc 1,28 objet de toutes les bienveillances divines. Préservée du péché dès sa conception, son obéissance montre en Marie la première des rachetés. Au moment de quitter la terre, il est logique que Jésus lui confie Jean et donc tous les disciples avec lui. Digne mère du Christ elle est aussi la mère de ceux qui croient en lui. Le Christ répond à la solitude des hommes en reconstituant au pied de sa croix une communauté de croyants. Il n?y a plus à cette heure que Jean et Marie pour lui être fidèle, les apôtres se sont enfuis et elle est la seule à garder la foi dans les promesses de la résurrection. Mais en lui confiant Jean et tous ceux qui lui faisaient confiance et l?ont abandonné, Jésus manifeste la puissance de l?Eglise qui accueillera tous les disciples quand ils auront retrouvé la foi. Origène, s. Irénée, s. Augustin, s. Damascène ont appelé Marie la mère de l?Eglise parce que non seulement elle a fourni son corps au Christ, mais encore elle a adopté ses disciples quand ils étaient troublés dans la foi. En cela elle est figure de l?Eglise qui enfante les chrétiens par le baptême. Eve était appelée ?Mère de tous les Vivants? et Marie reprend sa mission et la hausse jusqu?à être la mère des disciples du Christ.
Quand Jésus s?adresse à sa mère en cette circonstance, il emploie la même expression solennelle qu?il avait déjà utilisée aux noces de Cana en appelant sa mère du nom de ?Femme? Jn 2,4, expression chargée d?honneur qui dit l?importance de la déclaration. A Cana Jésus ajoutait: ?mon heure n?est pas encore venue?, au Calvaire il accomplit le temps de sa vie terrestre en suscitant l?Eglise. Non seulement Marie devient mère, mais en même temps elle est figure de l?Eglise et son acceptation du dessin de Dieu fait pendant à la désobéissance d?Eve, de sorte qu?elle résume toute l?humanité, passée du doute à la confiance en Dieu.
Jésus avait choisi d?inaugurer sa vie publique par la fête du mariage de Cana. S.Paul et les premiers chrétiens verront dans l?amour des mariés l?image de l?amour du Christ mourant sur la croix pour donner naissance à l?Eglise: ?Maris, aimez vos femmes, comme Christ a aimé l?Eglise, et s?est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier par la parole, après l?avoir purifiée par le baptême d?eau, afin de faire paraître devant lui cette Eglise glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible.? (Epître aux Ephésiens 5, 25-27).
La Genèse nous montre Eve qui naît du côté d?Adam et lorsque le côté du Christ est transpercé par la lance, l?apôtre Jean reconnaît la naissance de l?Eglise. Le projet de Dieu commencé en Adam s?accomplit maintenant dans le Christ, nouvel Adam. ?Jamais personne n?a haï sa propre chair; mais il la nourrit et en prend soin, comme Christ le fait pour l?Eglise, parce que nous sommes membres de son corps. C?est pourquoi l?homme quittera son père et sa mère, et s?attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. Ce mystère est grand; je dis cela par rapport à Christ et à l?Eglise.? (Epître aux Ephésiens 28, 32) Si S.Paul ose faire de l?amour humain le signe de l?amour nuptial du Christ pour l?Eglise, c?est qu?avant lui les prophètes de l?Ancien Testament ont toujours présentées les relations entre le Créateur et l?homme sur ce modèle nuptial. Osée parlant de l?épouse qu?il a reconquise et dont il pardonne les infidélités peut annoncer: ?Je la fiancerai à moi pour toujours dans la justice et la fidélité?. Cette révélation complète celle de l?amour paternel de Dieu pour les hommes en ce qu?elle rend la relation entre lui et sa créature encore plus intime. Cette analogie biblique s?inscrit ainsi dans le plus profond de l?expérience humaine et sert de socle à toute réflexion ultérieure sur le mystère même de Dieu. Les hommes pouvaient bien déduire de la considération du monde la puissance et la grandeur du Créateur, mais il ne pouvaient imaginer que c?est l?amour qui exprimerait le mieux le mystère du Tout-Autre.
 
“Calvaire”, Chemin de Foi de Marie
M.Diener


[ Urrugne, France ]
Chemin de croix


[ Montsevelier, Suisse ]


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Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?
?Mon Dieu, pourquoi m?as-tu abandonné?? (Mt 27,46): Pourquoi le Christ a-t-il connu la détresse humaine? Pourquoi le mal, pourquoi Dieu permet-il le mal? Dieu laisse la liberté à l?homme y compris celle de faire le mal. En supportant la passion, le Christ révèle aux hommes ce dont ils sont capables. Mais le même psaume 21 qui commence par cette phrase terrible, ?Mon Dieu, pourquoi m?as-tu abandonné??, s?achève sur la promesse de la résurrection. Dieu n?a pas un rapport de force avec le mal qu?il exclurait, mais il est capable de le retourner et d?utiliser la faute pour manifester sa miséricorde. La Bible répète ces vérités depuis le récit de la Création et du péché originel, à cause de cela les images médiévales de la Genèse représentent toujours le Christ en lieu et place du Créateur.
 
Chemin de croix, bois gravé


 


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J’ai soif
“J'ai soif” (Jn 19,28): Jésus avait déjà demandé à boire à la Samaritaine, et les apôtres avaient remarqué qu'il éprouvait la fatigue comme tout homme. Mais quand il demandait à boire à la Samaritaine c'était pour annoncer que c'est lui qui donnait l'eau vive. De fait de son coeur transpercé par le centurion vont jaillir l'eau et le sang. C'est pourquoi les spirituels ont commenté cette plainte du Christ en en comprenant un sens plus profond: le désir du salut de tous les hommes.
 
Visage du Christ, cuivre repoussé
M.Diener (© Fondation Parfum de Béthanie)


[ St-Maurice, Suisse ]
 


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Tout est achevé
?Tout est achevé? (Jn 19,30): Dieu s?est-il trompé en créant le monde? C?est une question récurante dans toute réflexion sur la nature, car la souffrance fait partie inhérente de la vie, et pourtant la foi chrétienne considère que toute l??uvre créatrice de Dieu s?achève au moment où le Christ expire sur la croix. Le risque pris en donnant la liberté aux hommes est amplement dépassé par la passion du Christ en ce sens qu?il révèle non seulement le mal du monde mais l?étendue du pardon de Dieu. Nous concevons la création comme un instant du temps et c?est là qu?est l?erreur car Dieu crée sans cesse et que cet acte unique pour lui enveloppe toute la durée du temps. Le pardon de Dieu préexiste à la faute, c?est pourquoi il la dépasse. Saint Augustin lisant dans la Genèse que l?homme était à l?image de Dieu, remarque qu?après les trahisons de l?homme, le Christ intervient pour lui rendre sa ressemblance à Dieu.
 
Chemin de Croix
M.Diener

Saint-Rédempteur

[ Lausanne, Suisse ]
 


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Père, entre tes mains je remets mon esprit
?Père, entre tes mains je remets mon esprit? (Lc 23,46): Au moment où le Christ expire il assume sa mort en confiant son souffle, sa vie, son âme au Père. C?est un instant très mystérieux parce qu?il a souvent revendiqué son unité absolue avec le Père: quelques heures avant de mourir il dit à ses disciples: ?Le Père et moi nous sommes un.? Jn, 17,21 Et encore quelques semaines auparavant il avait affirmé: ?Celui qui m?a vu a vu le Père.? Les Chrétiens ont toujours reconnu l?homme Jésus en celui qui priait à l?agonie: ?Que ce calice s?éloigne de moi, cependant non pas ma volonté, mais la tienne?. Et en même temps les Chrétiens confessent Fils unique de Dieu celui qui peut dire au nom de son Père que tout est accompli. En disant cela le Christ parle en Dieu, en effet Dieu seul peut proclamer que cette étape est close. Alors les disciples comprennent que l?amour de Dieu a été jusqu?à son extrême. En remettant son esprit à son Père la personne de Jésus unit en une seul phrase, l?obéissance de l?homme Jésus et la Seigneurie du Fils de Dieu. La révélation plénière du mystère de la Trinité trouve là son accomplissement suprême. En effet beaucoup se sont demandé: ?Est-ce que le Père a condamné son fils à mort?? Or le Père et le Fils ont la même volonté parce que le Fils reçoit tout du Père et que leur échange d?amour est si intense qu?il est une personne, le Saint Esprit.
Quand Jésus rend sa vie humaine dans la confiance à son Père, l?humanité qu?il a assumée est recréé dans une relation filiale à Dieu et enfin prête à recevoir l?Esprit Saint.
 
Calvaire, aquarelle
M.Diener (© Fondation Parfum de Béthanie)


[ St-Maurice, Suisse ]
 


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Coup de lance
Coup de lance: La loi juive exigeait qu?il n?y ait pas de supplicié pendant la fête de Pâques, d?où la nécessité d?achever les suppliciés avant la célébration liturgique. L?usage des romains était de briser les jambes, ce qui entraînait une mort immédiate. C?est parce que le centurion a vu que le Christ avait succombé avant les deux larrons, qu?il a renoncé à ce geste, préférant transpercer le c?ur du Christ avec sa lance. Il en jaillit du sang et de l?eau, la séparation du sang et de la lymphe indiquait que la mort avait eu lieu. En ne brisant pas les membres de Jésus l?officier romain avait accompli la prophétie de l?agneau pascal: ?Aucun de ses membres ne sera brisé? Exode 12 , 46, ce qui a attiré l?attention de l?apôtre Jean. En voyant la plaie du c?ur du Christ, celui-ci y a vu la naissance de l?Eglise à partir du côté du Messie. Jésus n?avait-il pas dit lors de la fête des Tabernacles: ?que celui qui a soif qu?il vienne à moi et qu?il boive? Jn 7,37. S. Jean méditant sur la prophétie d?Isaië reconnaît qu?elle s?accomplit dans le Christ: ?de mon côté jailliront des fleuves d?eau vive? Ezéchiel,47 1s.. C?est pourquoi l?apôtre accorde une si grande importance au coup de lance.
 
Chemin de Croix
M.Diener


[ Montsevelier, Suisse ]
 


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  Documents associés : 
Lieu : 
Chapelle du Calvaire
St-Sépulcre
Texte de l'Evangile : 
Luc 23, 33-43
Jean 19, 25-35
Clés de Lecture : 
La mort de Jésus
Symboles : 
Le sang et l’eau
Expérience humaine : 
La vengeance
Citations : 
Marie et Jean près de la croix
Augustin (354-430)
Concile Vatican II
S.Grégoire Le Grand (540-604)
S.Jean Chrysostome (344-407 apr.J.-C.)
S.Maxime le Confesseur (v.580-662)
Rémi Brague
Ambroise de Milan, IVe siècle