Le chemin des Cathédrales / Raison et foi /Enseignement

 
 
 Enseignement
Le surgissement des interrogations modernes apparaît au Moyen Age en même temps que la société rurale s’urbanise et que la société féodale se transforme profondément. L’influence de la civilisation musulmane de l’Espagne marque le développement des connaissances.
 

Citations :Le mondes des étudiants
Le cours des études et leurs méthodes pédagogiques au XIIIe s.
Trivium et quadrivium
Le studium générale et les universités qui confèrent un grade
Thomas d’Aquin (XIIIe siècle)
Phelippot


 
Le mondes des étudiants
Le monde des étudiants était aussi agité qu’aujourd’hui, il nécessitait donc un encadrement, cependant adapté au travail intellectuel. Le roi Philippe Auguste, qui commença à structurer par la loi la communauté des maîtres et de leurs élèves, remarqua un jour: “ Les étudiants sont plus audacieux que des chevaliers; les chevaliers, en effet, se couvrent d’armures..., tandis que les clercs (c’est à dire les étudiants), sans armure et sans casque, ... s’attaquent à coup de couteau.”

Les maîtres venus de toute l’Europe parlaient une seule langue le latin et constituaient avec leurs étudiant une “université” doté d’un statut propre. En 1220 le roi Philippe Auguste soustrait l’université à la juridiction civile, pour la protéger. Maîtres et étudiants ne dépendront plus que des tribunaux ecclésiastiques, beaucoup plus indulgents que les tribunaux civils. Ce que le Pape Grégoire IX achève en 1215 car il établit les statuts de cette université: association qui ne dépend plus désormais que de lui-même et du roi. La longueur des courriers assure une telle liberté aux universitaires parisiens qu’elle sera évidemment contestée par le prévôt de la ville, si bien que Saint Louis devra encore reconnaître l’autonomie de l’université en 1231.

On a conservé la lettre de deux étudiants d’Orléans écrivant à leurs parents paysans : “Nous avons résolu de vous demander que, par le porteur des présentes, vous veuilliez bien nous transmettre de quoi acheter du parchemin, de l’encre et une écritoire et autres choses nécessaires. Nous avons confiance que vous ne nous laisserez pas dans l’embarras pour que, les études que nous avons commencées, nous puissions les terminer comme il convient et revenir ensuite dans notre pays avec honneur.”

 


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Le cours des études et leurs méthodes pédagogiques au XIIIe s.
La vie universitaire parisienne au XIIIème siècle. Edition Chapelle de la Sorbonne, 1974, pp. 76-77

De la même manière, la licence, qui était, on l’a dit, le plus ancien grade universitaire, donna progressivement lieu à des épreuves spécifiques. A partir du XIIIe siècle, la permission d’enseigner (licentia docendi) n’est plus accordée sans garantie, comme précédemment. L’évolution est bien connue pour les disciplines profanes qui avaient conquis de bonne heure leur indépendance. En donnant à la corporation universitaire le droit d’octroyer la licence aux candidats de son choix, les limitations que les “ artiens ” les juristes et les médecins imposèrent très vite au chancelier épiscopal à cet égard ont eu un heureux effet sur les études et leur sanction. Il y eut des jurys spécialement requis à ce sujet et la rivalité entre l’évêque de Paris et l’abbé de Sainte-Geneviève, qui avait tant servi les premiers développements du corps universitaire (voir p. 35), contribua également à l’essor de ces institutions. Comme l’abbé de Sainte-Geneviève avait refusé le droit d’accorder la licence ès arts indépendamment du pouvoir épiscopal et avait mandaté à cet effet son propre chancelier, il fallut bientôt lutter contre l’arbitraire de ce nouveau dignitaire. En 1259, l’Université dut intervenir pour obtenir que le contrôle de ses examinateurs s’exerçât à Sainte-Geneviève, comme ailleurs, pour le grade en question. Mais la tutelle des autorités ecclésiastiques restait nécessairement plus étroite pour les titres en théologie et en décret. Au demeurant, à partir d’une certaine date, la licence obtenue à Paris permettra d’enseigner dans toutes les Quant aux méthodes pédagogiques, elles étaient d’un certain point de vue plus ibérales au XIIIe siècle qu’aujourd’hui. Conformément à la tradition platonicienne pratiquait à la fois l’exposé magistral et le dialogue entre le maître et ses disciples, elles comprenaient essentiellement la leçon (lectio) et la dispute (disputatio). Si la première n’était souvent qu’un simple commentaire de texte, la seconde permettait une discussion féconde entre le professeur et son auditoire. Dans ce cas, le maître mettait à l’ordre du jour un thème qui faisait l’objet d’un débat (quaestio disputata) dont il tirait lui-même les conclusions (determinatio) le lendemain. Enfin, à de rares intervalles dans l’année universitaire, les professeurs organisaient des conférences sur des sujets libres, qui étaient destinées à un public beaucoup plus vaste. Ces questions quodlibetales portaient fréquemment sur des problèmes d’actualité et elles eurent un grand succès au XIIIe siècle.
 


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Trivium et quadrivium
La vie universitaire parisienne au XIIIe siècle. Edition Chapelle de la Sorbonne, 1974, p. 45

Au reste, cette Faculté dispensait une culture encyclopédique qui correspondait approximativement à notre enseignement secondaire actuel. De fait, les arts libéraux, qui fournissaient la matière de cette culture, étaient répartis entre deux cycles d’études qui embrassaient successivement toutes les branches du savoir de l’époque: un cyc1e de trois disciplines, le trivium, qui groupait traditionnellement la grammaire, la rhétorique et la dialectique d’une part, puis un cycle de quatre disciplines, le quadrivium, qui comprenait généralement l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la musique d’autre part.
Ces deux cycles successifs remontaient à l’Antiquité et singulièrement à la tradition platonicienne qui avait superposé l’enseignement des mathématiques à l’enseignement des lettres classiques. Définitivement fixés au VIe siècle et à l’époque carolingienne, les sept arts libéraux - le nombre était symbolique en lui-même - resteront la base de la pédagogie universitaire jusqu’à la Révolution française. Cette pédagogie, figée pour de longs siècles, explique en partie pourquoi l’Université de Paris - sans parler des universités françaises en général - cessera d’avoir une influence intellectuelle quelconque à partir du XVIe siècle, c’est-à-dire à partir des grandes découvertes de l’époque moderne.
Mais au XIIIe siècle, l’enseignement des arts libéraux était encore vivant; dans la meilleure tradition antique, il pouvait même avoir une certaine originalité. Si le trivium comprenait invariablement la grammaire, la rhétorique et la dialectique, les matières qui faisaient l’objet du quadrivium pouvaient être éventuellement complétées par d’autres branches du savoir. C’est ainsi que les sciences naturelles, comme on le constatera plus loin, apparaîtront dans la pédagogie universitaire au cours du XIIIe siècle. De toute manière, le quadrivium était un cursus mathématique et scientifique et la musique elle-même lui appartenait tout naturellement parce que son enseignement, essentiellement abstrait, échappait à la pratique artistique, telle qu’on la conçoit aujourd’hui.
Certes, cette filière mathématique et scientifique restait en définitive très rudimentaire. Mais, dans la mesure où elles prolongeaient les études de grammmaire, de rhétorique et de dialectique, les structures universitaires médiévales préfiguraient d’une manière étonnante les étapes de notre enseignement secondaire traditionnel; jusqu’à une époque récente, celui-ci comprendra successivement en effet les classes suivantes : classes de grammaire, de rhétorique, de philosophie et de mathématiques élémentaires.
D’ailleurs, si les mathématiques constituaient au Moyen Age le quadrivium, celui-ci pouvait également recevoir l’appellation de philosophie. Dans le prolongement de la dialectique qui n’était autre que la logique, l’enseignement des sciences avait de fait un caractère abstrait, qui apparaissait essentiellement comme une réflexion philosophique. C’est pourquoi, conformément à la tradition platonicienne qui inspirait au départ les cycles universitaires, il n’existait pratiquement aucune différence entre les mathématiques et la philosophie dans la pédagogie médiévale. Dès le xiie siècle, les penseurs les plus hardis, tel Abélard, revendiquent le titre de philosophe. Préoccupés de fonder leurs connaissances sur la logique et la raison, ils s’opposent aux théologiens qui subordonnent le développement des sciences à la révélation divine. Mais, dans la mesure où les clercs doivent obligatoirement suivre le quadrivium pour accéder aux études théologiques, le conflit prendra des aspects inattendus au XIIIe siècle
 


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Le studium générale et les universités qui confèrent un grade
J. Weisheipl, Frère Thomas d’Aquin, Paris, Cerf, 1993, pp. 180-182

Lorsqu’on utilise le mot “studium” il faut être attentif à distinguer les différentes significations de ce terme au Moyen Âge, en particulier lorsqu’on parle de studium generale. Même si à l’origine studium signifiait l’“application de soi-même à quelque chose” ou le “zèle”, le mot était utilisé dans le latin médiéval pour désigner une “situation d’enseignement” stable, ou un “lieu” ou une “école” où un tel enseignement était donné. Celui qui enseignait était dit “diriger une école” (regere studium) ou “tenir une école” (tenere studium). Celui qui enseignait effectivement était appelé “régent” (regens), par distinction d’avec celui qui concrètement n’enseignait pas (non-regens). Dans le contexte de l’Université médiévale un “maître régent” était quelqu’un qui non seulement avait obtenu le grade de maître, mais donnait aussi un enseignement effectif dans un studium generale. Dans le contexte du latin de l’Université médiévale, auquel se réfèrent tous les autres emplois de cette expression, studium generale avait au moins trois significations ou applications. D’un point de vue fondamental, le terme “général” signifie l’opposé de “ particulier ”, mais peut être compris de différentes manières. Surtout, un studium generale ne doit pas être considéré comme l’équivalent d’une université comme celle de Paris ou de Bologne, ni d’une université comme celle d’Oxford ou de Cambridge. Sur ce point de nombreux historiens de l’enseignement et de la science au Moyen Âge et de nombreux biographes de Thomas se trompent dans leur manière de comprendre l’expression. Ils n’ont pas compris la signification fondamentale de studium generale. Cette signification est donnée de façon précise par le célèbre juriste Henry de Seguse (Hostiensis, + 1271) qui précise: “un studium est appelé “général” lorsque le trivium et le quadrivium, la théologie et les saints canons y sont enseignés”. En d’autres termes, un studium generale était un lieu où était enseigné un “savoir général”, et on entendait par là, au Moyen Âge, la philosophie (arts), la théologie et le droit (canonique et civil). À quoi il faut ajouter un autre aspect de généralité, c’est-à-dire le fait qu’un studium generale était “ ouvert ” à tous les diocèses ou à toutes les provinces. Ainsi une province d’un ordre religieux pouvait avoir un studium generale, ce qui ne signifiait pas seulement que toutes les facultés y étaient représentées, mais aussi qu’il était ouvert aux membres d’autres provinces et même à des étrangers à l’Ordre. Si une province n’a un studium que pour ses propres membres, on dira plus tard qu’elle a un studium particulare ou provinciale, comme dans le cas de la plupart des écoles cathédrales. Dans les studia généraux et particuliers entendus en ce sens, il n’était pas question de conférer des grades dans une faculté, comme celui de “ maître ”. La capacité de conférer des grades (licentia docendi) était propre aux universités, par exemple Oxford, Cambridge et nombre d’autres studia (universités) qui prirent leur essor au XIIe et au XIVe siècle, sous la protection de la papauté ou de l’empire . Mais même dans ce sens d’“ université ”, le studium generale n’équivaut pas à une université au sens strict du terme utilisé par Denifle, Rashdall, Creytens et bien d’autres. Pour eux une université était une école qui conférait des grades comportant des droits généraux ou universels depuis des temps immémoriaux, c’est-à-dire le ius ubique docendi. Assez curieusement, malgré les efforts constants des rois anglais, Oxford et Cambridge n’ont jamais obtenu ce droit du Saint-Siège. Ainsi le studium papal fondé par Innocent IV en 1245 comme attaché à la curie ou au sacré palais, était-il un studium generale en ce sens qu’il avait des facultés de théologie, de droit et de grammaire, et qu’il était ouvert à des clercs “ des différentes parties du monde ”. Mais il n’était pas une “ université ” au sens médiéval du terme, car il ne conférait pas de grades. Ce statut il ne l’obtiendra que lorsque Clément V (1305-1314) déclarera que le studium romanae curiae est une université, avec le droit de conférer le grade de “ maître ”. C’est alors, et alors seulement, que des maîtres pleinement “ qualifiés ” furent requis pour enseigner les arts, la théologie et le droit ; c’est alors seulement qu’on y trouvera des cursores, des baccalaurii et des magistri comme dans toute université au Moyen Âge. Lorsque Clément V déclara que le studium pontifical de la curie était une “université”, ceux qui enseigneraient la théologie allaient devoir être des magistri in theologia au sens technique du terme, c’est-à-dire ayant obtenu les grades d’une université. Le premier maître régent en théologie dans la nouvelle université “ de la curie romaine ” fut le dominicain français Guillaume de Pierre Godin, diplômé de Paris. Creytens semble suggérer qu’à strictement parler un magister sacri palatii devait être un officier de la curie, comme cela est arrivé sous Clément V. Mais il s’agit là d’une restriction indue du titre.
 


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Thomas d’Aquin (XIIIe siècle)
Somme théologique, la foi, tome second, IIa-IIae, Le don de l’intelligence, Q.8, art.8

En sens contraire, la fin de toute réalité, c’est son fruit. Mais le don d’intelligence semble ordonné principalement à procurer cette certitude de foi qui est qualifiée de fruit. Il est dit en effet dans la Glose que ce fruit de foi, c’est “ la certitude des réalités invisibles ”. Parmi les fruits, c’est donc la foi qui répond au don d’intelligence.
Solutions : 1. L’intelligence est bien le fruit de la foi, de la foi qui est vertu. Or ce n’est pas dans ce sens-là qu’on prend la foi lorsqu’on l’appelle un fruit; mais on la prend pour une certitude de foi, à laquelle on parvient par le don d’intelligence. 2. La foi ne peut pas devancer en tout l’intelligence; en effet, l’homme ne pourrait pas adhérer en croyant à des choses qui lui sont affirmées s’il n’avait quelque peu l’intelligence de ces choses. Mais, à la suite de la foi qui est vertu, il y a une perfection d’intelligence; et ce qui fait suite à cette perfection d’intelligence, c’est une certitude de foi.
 


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Phelippot
“Le dit des Marchands”, XIII°s.

Marchands s’en vont de par le monde
Diverses choses acheter;
Quand reviennent de marchander
Ils font maçonner leur maison,...
Quand ont fait maisons ou cellier
Fêtes font à leur voisinage
Puis s’en vont en pèlerinage...
Et quand reviennent en leur ville
Leurs femmes font grande joie d’eux...
Et puis quand la fête est finie,
Ils s’en revont en marchandie...
Et s’efforcent de marchander
Et reviennent de tout pays...
 


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  Documents associés : 
Lieu : 
Notre-Dame de Paris
Description de l’image : 
Les arts libéraux
Histoire : 
De leur campagne à la ville
L’étude, instrument privilégié de promotion sociale
Naissance de l’Université
Présupposés théologiques : 
L’étendue du savoir ne compromet la foi parce que La Vérité ne peut se contredire
Experience humaine : 
La coexistence des chemins de la connaissance
Symboles : 
Une gargouille de Notre-Dame